jeudi 23 avril 2015

Chomsky - La Fabrication du Consentement : Une lecture incontournable pour mieux comprendre le monde d'aujourd'hui

La Fabrication du Consentement

Les événements récents soulèvent bien des questions sur le fonctionnement de la soit-disant démocratie française et sur le rôle des médias.

Noam Chomsky est un citoyen américain qui est très peu connu en France(1), si on se rapporte à sa valeur : il est d'abord un linguiste majeur du 20e siècle (les informaticiens connaissent sa théorie au fondement des langages informatiques), et même si ses contributions peuvent être contestées maintenant (comme l'ont été celles de Newton et d'Einstein dans le domaine de la physique), il n'en reste pas moins un scientifique majeur.

D'autre part, il est aussi un activiste qui a participé à de nombreux combats, depuis les années 60; ses idées ont évoluées, mais ses analyses et ses apports gardent toutefois une valeur énorme : il décrit des mécanismes assez complexes dans un langage simple.

Son travail d'analyse militant s'est concentré sur les actions des USA, puisque c'est son pays, et il considère (à juste titre ou non, c'est un autre problème) que chaque intellectuel devrait se livrer principalement à la critique de son propre pays, en priorité.

Si vous voulez en savoir plus sur lui, vous aurez de quoi faire sur Wikipedia.

Je voudrai surtout vous recommander deux ouvrages majeurs :

Deux heures de lucidité

Il s'agit d'un livre assez court, sous forme d'un entretien. Il est simple, facile d'accès, et c'est à mon avis une lecture incontournable.



La Fabrication du consentement

C'est un ouvrage plus important (dans les 600 pages) qui décrit le modèle de propagande des sociétés "démocratiques".

C'est un approfondissement du premier.



(1) En France, les "intellectuels" français l'ont catalogué "antisémite", ce qui est la forme la plus pratique de censure, comme pendant l'époque de Mc Carty aux USA, on cataloguait ses ennemis de communistes.

Naturellement, cette accusation est stupide, mais elle a suffi pour que Chomsky soit un quasi inconnu (ce qui en soi n'est pas bien grave) et que ses analyses n'aient pas de droit de cité dans les médias : ce qui est beaucoup plus grave.

On l'a accusé aussi d'être un théoricien du complot : c'est aussi absurde, mais tout aussi efficace.

mardi 21 avril 2015

La loi sur l'espionnage expliquée à ceux qui ont vécu la guerre froide, vraiment ?

J'ai lu l'article de Jean-Baptiste Favre :  http://blog.jbfavre.org/2015/04/07/loi-renseignement-expliquee-simplement/

 Encore un effort louable, mais vain à mon avis.

Je relèverai principalement deux erreurs simples :

À propos du principe de séparation des pouvoirs :

Je cite :
Vu comme ça, c’est propre, c’est carré, personne ne peut abuser du système.
C’est pas pour rien si ce principe a émergé comme fondement de toutes les démocraties occidentales.
Si le principe a été gardé, et on voit à quoi il a servi (semer une misère incroyable sur toute la planète) c'est qu'il ne dérangeait pas tellement les dirigeants - qui sont peu ou prou toujours les même - et surtout qu'il reste un principe dont il fait bien de se réclamer, mais ... jamais appliqué dans la réalité !

À propos du renseignement (euphémisme en novlange pour espionnage et surveillance)


Je cite :

Le renseignement est vital. Pour nos économies modernes encore plus. Il faut anticiper les menaces, quelques soient leurs formes (et elles sont nombreuses).
Pour justifier n'importe quoi, le plus simple, ça reste encore la peur, hein ? Les menaces nombreuses ! Et puis ce qui est bien, c'est que c'est réfléxif.
 1 - Le pays A menace le pays B ou semble le faire : qui va donc s'armer (rappellez vous : il faut anticiper !).
 2 - Le pays B voit A s'armer : il s'arme encore plus !
 3 - Retour au point 1.
Et sinon on pourrait aussi vivre en paix ? Ah non, désolé, ça on sait pas faire. On peut rajouter un point 2 et demi, par contre : le pays B voit un courant pacifiste dans sa population : il le surveille aussi.

Je suis assez d'accord avec les dérapages, etc. Mais il ne faut pas se tromper d'ennemi : le premier et le véritable ennemi d'un gouvernement, quel qu'il soit : c'est sa population.

Et quand vous voulez maitriser un ennemi : vous vous faîtes passer pour son ami. Parce que le peuple n'est pas qu'un ennemi : c'est aussi le troupeau à traire pour satisfaire ses délires de grandeur. Il faut donc qu'il soit en bonne santé, calme et obéissant. Et pour cela... vous connaissez la recette, elle est de Machiavel.

Ni technique, ni bureaucratique, mais politique !

Projet de loi sur le renseignement : la solution n'est ni technique, ni bureaucratique.

Je vais pas refaire un historique de la loi pour la surveillance généralisée : inutile et surtout, massivement répétitif, car je pense que ceux qui y accordent un peu d'importance ont bien compris, et que maintenant, ce n’est pas d’explications dont nous avons tous besoin : c’est de propositions d’actions.

Pour ma part, et je vais passer pas mal de temps à le dire et le redire, il y a deux axes de solutions auxquelles je ne crois pas - on peut en parler pendant des heures, mais un peu de réalisme vous montrera que je ne suis pas très loin de la réalité.

Fausse bonne idée #1 : la fuite en avant technique.


Elle consiste à dire : puisque le gouvernement nous espionne, alors nous allons utiliser des moyens de plus en plus complexes : chiffrement des mails, utilisation de VPN, de proxies TOR, etc.

Raison #1 : Tout le monde ne peut pas le faire.


Je suis passée par là, moi aussi, à croire qu'on pouvait rendre les choses simples. J'en suis revenue. Donc, il y a fort à parier que seule une petite partie d’entre nous y arrivera (ou croira le faire), ce qui aura plutôt pour effet de nous rendre visibles. Essayez d'envoyer des mails chiffrés à quelqu'un qui n'y comprend rien. Et je ne veux surtout pas dire que les ignorants en informatique sont des gens stupides. C'est juste qu'un savoir qu'on ne pratique pas à tendance à s'effacer.

Raison #2 : Vous pensez pouvoir, vous vous trompez.


Il y a de nombreux doutes sur la confiance que l’on peut accorder à tous les éléments de la chaîne technique : ordinateur (qui pourrait être trafiqué à notre insu, voire buggé - il existe par exemple un défaut potentiel de micro-processeur qui fragilise certains algorithmes de chiffrement.), système d’exploitation (notamment Windows), navigateur (quelle confiance accorder à Firefox, qui reste mon choix), chaîne de certification SSL (avec par exemple de la rupture protocolaire), etc. etc. Le reste de la liste que vous pouvez faire est laissé comme un exercice pour le lecteur.

Raison #3 : Vous pensez encore pouvoir ? Vous vous trompez encore.


Allez, rapide exercice : que ceux qui pensent passer 3 heures par jour à faire de la sécurité informatique pour le restant de leurs jours lèvent la main. Je vous ai menti : il faut y passer encore plus de temps. La sécurité ? Vous avez pas idée. Et encore, quand il ne s'agit que de vous protéger d'un "pirate" qui ne cherchent que les cibles les plus faciles, ça va encore. C'est même facile. Mais quand il s'agit de vous protéger d'un État aux moyens quasi-illimités ?

Et il ne s'agit pas que d'installer du logiciel. Il faut faire fonctionner les pièces ensemble. Il faut mettre à jour quand il y a des corrections importantes de sécurité. Il ne faut pas commettre d'erreur (or, vous le savez, l'erreur est humaine...). Il faut mettre à jour les certificats. Et encore, j'effleure juste la surface.

Raison #4 : Toute fuite... justifiera une poursuite !


Rêvons deux secondes. Si TOR, par exemple, se généralise : il pourra être déclaré illégal. Il pourra être attaqué via différents moyens. Un ministre de l'intérieur passera à la télé pour dire que c'est un refuge de pédo-terroristes (dans des termes mieux choisis, hélas). Vous voyez l'idée ?

Raison #5 : Ce n'est pas une vie.


Nous ne sommes pas des rats pour vivre cachés dans des souterrains. Nous sommes des humains, nous voulons vivre debout. Notre vie privée nous est plus ou moins précieuse (cela dépend des gens et des aspects de cette vie privée), et nous la protégeons en accord avec nos principes, et cela inclut, je pense, de pouvoir parler librement, sans trop se soucier des conséquences. À partir du moment où votre parole n'est plus déchiffrable que par quelques privilégiés... vous vous êtes enfermé tout seul.

La fausse bonne idée #2 : La lutte via les institutions "démocratiques".


Je m'attaque ici à un hochet auquel les français (pour ne parler que d'eux) restent encore attachés : la fameuse république pseudo démocratique et sa bureaucratie. Je veux en finir avec les appels grandiloquents "à messieurs les députés", "à voter rouge/vert/bleu ou jaune", aux citations (certaines périmées, d'autres imaginaires) des "lumières", bref, à l'attirail prêt-à-penser issu du catéchisme républicain.

Raison #1 : PERSONNE AU POUVOIR NE VOUS AIDERA !


Si vous ne faites pas partie de la poignée de privilégiés invitée à parader sur les plateaux télé, des "people" dont l'avis compte : personne ne tiendra compte de votre avis.

C'est triste, mais c'est comme ça : regardez l'histoire récente; et j'ai discuté personnellement (ce qui n'a pas une grande valeur en terme de statistiques) avec pas mal de gens qui pensent que les choses ne vont pas si mal quand on les confie à une sorte de leader charismatique. Les gens n'ont pas vraiment, dans l'abstrait, je veux dire, un attachement farouche à la démocratie. C'est sans doute une des raisons (mais il y en a d'autres) pour laquelle les députés sont des autoritaires qui prennent des décisions pour les autres sans aucune intention d'en rendre jamais compte à qui que ce soit.

Raison #2 : Les élections sont non seulement une farce, mais elles ont lieu tous les 5 ans.


Autant dire, vous pouvez préparer votre vengeance... la plupart des gens dans le pays auront tout oublié dans 2 mois.

Raison #3 : Voter n'est pas de la politique ! C'est de la sous-traitance.


Je sais c'est dur, mais je vous dois la vérité : arrêtez de vous plaindre parce que vos sous-traitants font n'importe quoi. Il n'y a pas vraiment le choix : Reprenez le contrôle ou soyez des esclaves.

Raison #4 : Le système n'est pas dirigé par les politiques, ou si peu : c'est la bureaucratie qui décide, ensuite ce sont les lobbies - et pour finir, le hasard.


Lorsqu'on vous refuse un droit, croyez-vous que c'est le politique qui décide ? Non. Une bureaucratie, quelle qu'elle soit, peut décider de faire, ou ne pas faire. Vous pouvez vous battre. Elle a tout son temps. Vous pouvez même gagner. Elle en aura d'autres. Et ses directeurs sont inamovibles. Ils valsent au gré des saisons, de placards de luxe en places au soleil.

Ces « clous » qui fixent les limites et les conditions de la lutte, sont issus de plusieurs siècles de mise au point (qui n’est pas forcément coordonnée) pour rendre toute tentative de changement vaine. Non, supplier et ramper devant votre député ne changera rien. Ce n’est pas à vous qu’il doit son élection, mais à son parti. On va pas en discuter pendant des heures.

Mais alors comment faire ?


La solution est simple, mais c'est sa mise en œuvre qui est compliquée : reprendre le pouvoir. Et ça commence par un truc pas agréable : se bouger soi-même, donner l'exemple pour faire bouger les autres.

On rêve tous d'une solution qui serait indolore, rapide, efficace. Ah, faire la révolution en cliquant ! Ou en adhérant au parti A ou B, à l'association C, en signant une pétition.

Mais non, ça ne se passe pas comme ça.

Je n'ai pas de solution toute faite, de plan génial : ma modeste contribution sera celle-ci : rassemblons-nous de proche en proche, organisons des débats publics, faisons sortir les gens, faisons passer le message par ceux qui ont de l’audience, mais aussi par la masse de tous les gens de bonne volonté;

Le projet de loi sur le renseignement est une chose : mais il y a bien d'autres sujets !

Cela va créer des liens - et pas des "hyperliens" - on va (re-)découvrir qu'on est pas entouré d'ennemis, mais de gens de bonne volonté. On va commencer à construire des choses. Utilisons les techniques de communication, non pour faire, mais pour communiquer sur ce que nous faisons en "vrai".

Et alors nous pourrons espérer convenir, en ces lieux, localement, et en commun, comment défaire le pouvoir, détruire la légitimité de l’appareil bureaucratique et pseudo-démocratique, et construire autre chose à la place.

Nous pouvons le faire ! Ça ne tient qu’à nous !

Ceci n'est que ma suggestion :  j'espère en entendre d'autres et je les relaierai avec plaisir si elles évitent les deux écueils dont je viens de parler. Je reviendrai d'ici quelques jours avec un petit guide qui pourrait vous aider à commencer ou simplement vous inspirer.

Réponse à Laurent Chemla, à propos de la loi sur le renseignement.

Bonjour Laurent,

Vous permettez que je vous appelle Laurent ? Je ne veux pas faire trop de manières ni être trop familière non plus.

Je lis ce matin ce billet : http://blogs.mediapart.fr/blog/laurent-chemla/170415/lettre-ceux-qui-sen-foutent ;

Je trouve ça pas mal. Mais franchement un peu pathétique. Une lettre à ceux qui s'en foutent ? Déjà qu'ils se foutent de ce qu'ils se passe à l'assemblée, ils vont certainement pas avoir grand chose à faire des gens qui leur font la morale sur ce dont ils se contrefichent.

Cette lettre ne sert qu'à prêcher les convaincus. En répétant les mille choses qu'on sait déjà par cœur : "Être surveillés, ohlalalala c'est MAL",  "En plus ça sert à rien", etc.

D'où, d'ailleurs, avalanches de commentaires positifs de la part des convaincus.

Bon, parler aux convaincus, c'est déjà pas mal : mais ce qu'il faudrait, c'est aller plus loin. Et là, je trouve rien. Non parce que concrètement, les vraies conclusions à tirer de ce vote ? "Appeler vos députés"...

Laurent, personnellement j'ai encore de l'amour-propre. Plutôt que d'aller supplier des gens qui n'en n'ont rien à faire, qui ne me représentent pas et qui ne le feront jamais, je préférerai leur nier tout pouvoir et toute légitimité.

Ça fait des années que ça dure. On est dans le plan vigipirate depuis 25 ans au moins, à vue de nez. Après le 11 septembre, il y a eu la loi sur la sécurité quotidienne; les passeports biométriques. Aujourd'hui, après le massacre de janvier, on nous sort un projet de loi pour le renseignement.

Je pose la question : mais quand est-ce que vous allez vous décider à comprendre ?

Cette démocratie n'en est pas une, les représentants n'en sont pas, toutes ces institutions de merde sont illégitimes.

La seule chose que je lis dans votre lettre de bonnes intentions, c'est encore une soumission à ce système moisi qui chaque jour, fait un pas de plus en avant dans le contrôle : "Appelez vos députés ?!"

Je me rappelle, encore et encore, l'époque où tout le monde, dans la gaucho-blogosphère, râlait contre Sarkozy. Un groupe a alors proposé de faire des manifestations dans chaque ville, quelque chose qui se serait appelé le "No Sarkozy Day" (sur un modèle italien).

Ce groupe a donc demandé à l'ensemble des blogueurs de publier l'annonce, de faire le relais.

Et là, j'ai vu les blogueurs se coucher et ramper. Il fallait "respecter les temps de la démocratie". Pas question de faire autre chose que de publier de jolis blogs et de faire de la poésie. Au moment de lever le poing, ils sont partis en week-end.

Car vous savez, on parle d'abandonner de la liberté pour de la sécurité. Mais en fait, personne ne fait ça.

D'une part, parce qu'on a toujours moins de liberté, mais jamais plus de sécurité, à part "en théorie" : je n'ai jamais vu le moindre rapport entre "donner du pouvoir aux flics" et "être plus en sécurité". Il y a quelques cadavres, aux USA, qui pourraient vous en parler mieux que moi, mais...

Et d'autre part, parce que font surtout la plupart des gens, c'est échanger de la liberté contre du loisir, sous forme de gadgets, la plupart du temps - et ça : c'est plus dur d'y renoncer, hein ?.

Bref, je ne me souviens plus si j'ai été déçue ou surprise. Ça n'aurait pas été bien loin, mais se réunir dans la rue, ça aurait donné de l'air aux gens, et selon moi, cela aurait pu amener des conséquences positives.

Aujourd'hui, nous y revoilà encore. La loi sur le renseignement va être votée. C'est joué d'avance. Vous savez quoi ? La loi punit quiconque forcerait un député à faire ou à s'abstenir de faire quelque chose. Et je vais répéter encore une fois ce que tout le monde sait : Selon notre constitution, le mandat impératif est nul. Ce qui veut dire qu'on ne peut pas élire un député en lui donnant précisément mandat de faire ceci ou cela, c'est illégal.

Je connais par cœur les arguties qui justifient cette aberration. Ce sont des monceaux de stupidités avancées par des gens vaguement persuadés que ceux qui savent doivent décider pour la masse.

Mais j'irai droit au but : il est temps d'appeler, non pas les députés, mais à la révolte, au boycott, et largement.

J'ai déjà fait quelques propositions ici : http://noelle-ici-ailleurs.blogspot.fr/2015/04/loi-de-renseignement-ne-comptez-pas-sur.html

Et maintenant ? Qu'allez-vous faire ? Continuer les incantations - qui ne sont que des appels au calme et à la résignation ? Ou bien appeler à l'action ?

Je ne me fais pas beaucoup d'illusions, pour tout dire. Mais ce que je viens d'écrire là montre que je garde encore beaucoup d'espoir.

mercredi 15 avril 2015

L'anarchisme n'est pas un terrorisme !

Il a pu arriver, au début du siècle dernier, que certains anarchistes aient cru que les actes violents pouvaient servir à quelque chose. Mais depuis, tout anarchiste un peu au courant de l'histoire de son mouvement sait que les attentats ne servent à rien, et que c'est même plutôt le contraire : ils justifient une répression accrue.

En ces temps, où l'on croit opportun de surveiller les "atteintes à la forme républicaine des institutions" (ce qui signifie, dans la bouche des députés, toute la bureaucratie étatique), il me semblait urgent de préciser que les anarchistes, qui général veulent "porter atteinte à la forme républicaine des institution", ne sont pas des terroristes. Que l'on ne puisse pas contester cette forme particulière d'organisation me semble d'ailleurs être grosso-modo une sorte de délit d'opinion.

En effet, la république dont on nous rebat les oreilles en permanence est quelque chose de bien vague. En gros, disons que c'est un régime politique dont les chefs sont élus via des élections "populaires".

Rien que cette phrase mériterait un livre, car, que signifie "élus" ? Est-ce que le fait de faire valider ce choix par une partie de la population est une garantie de légitimité ?

Mais comme vous le savez peut-être, les anarchistes ne veulent pas de "chef". Au pire, ils désignent via un mandat impératif et révocable quelqu'un qui devra se charger de telle ou telle tâche de coordination, qui exigerait une certaine centralisation. Je résume ce mécanisme rapidement car il est relativement complexe, mais le pouvoir est aux mains du peuple : réellement. C'est-à-dire qu'à n'importe quel moment, via une assemblée générale, il peut sommer son mandaté de s'expliquer sur la réalisation de son mandat, et s'il n'est pas satisfait, le destituer aussi sec.

Il y a des objections courantes sur ce type de fonctionnement, parmi lesquelles je choisirai une des plus facile : "Mais comment faire pour faire une assemblée générale à 60 millions de personnes ?"

La réponse est simple : on peut atteindre une taille importante avec des mandatés intermédiaires. Mais vouloir être 60 millions n'est juste pas compatible avec des exigences de démocratie. D'ailleurs, les politiciens prêchent principalement pour l'Europe pour cette même raison : si on ne peut avoir de démocratie pour 60 millions, que dire de 320 ? Plus il y a de monde, moins il y a de démocratie possible (quand à dire "souhaitable", c'est autre chose).

C'est pour cette raison que les anarchistes sont internationalistes ou plus exactement, a-nationalistes. Ils pensent que les nations ne sont que de pures abstractions construites pour séparer les gens d'un côté, et les réunir d'un autre au sein d'un ensemble trop grand pour pouvoir être démocratique. La réalité, c'est que hors l'endoctrinement scolaire et familial, la plupart des gens se fichent de savoir la couleur du drapeau qu'ils ont au-dessus de la tête. Quand on en parle avec eux, c'est-à-dire qu'on remet en cause ces bêtises, on a d'ailleurs rapidement affaire à de la colère ("vas-t-en vivre ailleurs si tu crois que c'est mieux qu'ici !") ou des déclarations plus ou moins irrationnelles ("T'es né en France, t'es français et pis c'est tout"), incapables d'expliquer pourquoi naître d'un côté ou d'un autre d'une ligne imaginaire peut affecter un être raisonnable. Cet énervement ou ces réactions affectives sont typiques du lavage de cerveau : Impossible de raisonner sur ces idées qui ont été implantées par des répétitions multiples; pris en défaut, contraint de faire le choix entre la raison et ce qu'il a toujours cru vrai, le patient est victime de dissonance cognitive. Il n'écoute plus, ne retient plus ce qu'il entend. J'en ai pas encore vu prendre la position fœtale, mais je me l'imagine très bien.

Pour en revenir à notre sujet, les anarchistes, qui militent pour la destruction de l'État et la mise en place d'un mode de fonctionnement libertaire (les modalités précises elles-même doivent faire l'objet de débats), ne sont pas des terroristes.

Seront-ils surveillés comme tels ? C'est en tout ce que promet le projet de loi sur le renseignement.

Toujours à la pointe

Si c'était le cas, ce serait un grand tort causé à la démocratie. En effet, depuis bientôt deux siècles, les anarchistes ont eu les idées les plus avancées et les plus progressistes. Ils ont été quasiment les seuls, à gauche, à prévoir le carnage de l'union soviétique (et pour cause, Lénine n'a pas oublié de les fusiller). Quand on relit leurs écrits, on s'aperçoit qu'ils étaient parmi les premiers écologistes, les premiers féministes, etc.

A l'époque où ils dénonçaient l'esclavage, certains le justifiait comme aujourd'hui on justifie la police, l'armée, la nation.

Quand on est anarchiste, on ne renonce pas, on n'abandonne jamais, on ne se résigne pas à voir les gens souffrir en attendant que ça s'arrange. On veut du changement ici et maintenant.

Et surtout, on sait à quoi s'en tenir sur l'État, sous le masque de ses intentions. Ce en quoi, depuis des années, on est toujours seuls.

samedi 11 avril 2015

Quelques aspects sous-estimées des révélations d'Eward Snowden sur la NSA

J'ai toujours été étonnée par l'incapacité d'une grande partie des gens à aller jusqu'au bout d'un raisonnement; puis j'ai compris que c'était principalement le conditionnement moderne qui empêchait cette démarche. Ici, je propose quelques pistes de réflexions : je n'énonce pas la vérité ultime, que j'ignore, mais je me comporte comme une scientifique (ou du moins, j'essaye). Je fais des hypothèses, et je vérifie si les l'expérience les confirme. C'est compliqué de le savoir. Mais je recherche surtout ce qui pourrait contredire les hypothèses de base.

Les révélations d'Edward Snowden sur la NSA et ses projets ont choqué ceux qui peuvent les comprendre vraiment (savoir par exemple, qu'ils ont placé des backdoors dans les équipements réseau est une chose, comprendre ce que ça implique est une autre chose), et seuls les plus paranos peuvent se vanter d'avoir déjà dénoncé cela il y a bien longtemps.

En ce qui me concerne, par exemple, j'ai été fort surprise. Je "savais" des choses. Mais c'était des rumeurs, même si elles provenaient de sources fiables. Je me demandais encore ce qui était la part du vrai et du faux, dans tout ce que j'avais lu et entendu. Je me trouvais parano, même. Je me disais : «Noëlle, tu tombes dans la théorie du complot, fais gaffe». J'ai découvert qu'en fait, j'étais encore bien naïve.

Pour tout dire, j'avais cru que personne de raisonnablement intelligent ne pourrait travailler à de tels projets. Pourtant, les exemples historiques ne manquaient pas. Einstein a participé (dans le détail, jusqu'à où, je n'en sais trop rien) à la mise au point de la bombe atomique. Sans l'aide des savants, les militaires et les bureaucrates sont déjà nuisibles et dangereux au-delà de ce qui est raisonnable pour la simple existence d'une communauté libre. Avec, leur pouvoir de nuisance et leur dangerosité sont décuplées.

Je pensais aussi, naïve vraiment, que leur incompétence nous protégeait. Tout faux ! Il ont su faire travailler des gens compétents pour eux.

Par contre, j'avais l'espoir fou que dans ce type de situation, quelqu'un finirait par parler. Par craquer. Ça s'est produit. Cet espoir est le seul auquel nous raccrocher : parmi tous les salauds qui collaborent, il s'en trouvera toujours un pour nous aider. Mais je ne voudrais pas arriver à la conclusion.

Toutes ces choses étant dites, je voudrais maintenant souligner quelques aspects de cette affaire, aspects dont on a assez peu parlé.

Premier aspect : quand l'État veut, il peut.

Et sa réciproque : quand l'État ne peut pas, c'est qu'il ne veut pas.

L'organisation étatique (et ce, quelque soit l'étiquette dont elle peut s'affubler) n'a pas pour but d'exercer le pouvoir : son but est de confisquer le pouvoir, pour laisser les mains libres aux grandes entreprises. L'État est continuellement présenté comme au bord de la faillite, misérable, les mains liées, etc. Sous la facade de l'impuissance (par exemple, l'échec patent de l'éducation nationale) se trouve en réalité des choix rationnels concernant ce qu'il faut faire (renflouer les banques, organiser l'immunité de son personnel, interdire des spectacles, etc.) et ne pas faire (toucher à la fraude fiscale, décentraliser, tenir compte de l'opinion...).

Deuxième aspect : les États se soutiennent les uns les autres, solidaires contre leurs peuples.

Quand j'ai entendu parler du fait que les USA espionnaient les dirigeants du monde entier, j'ai bien compris que ceux-ci, en général, se sentaient trahis. Quoi ! Ils avaient donc léché les bottes des USA pendant si longtemps pour ça ? Pour s'apercevoir qu'ils n'étaient même pas des alliés mais juste des larbins ? Et pire (parce que je pense qu'à part être complètement attardés, ils étaient bien conscients d'être des larbins), que ce soit exposé en place publique ! Au vu et au su de la population ! Mais les larbins peuvent être trahis encore et encore, en fin de compte, ils retournent toujours chez leur maître. Dans le système carcéral mondial, ils  préfèrent être des matons que des prisonniers.

Troisième aspect : La démocratie ou la liberté n'est en rien utile au capitalisme. Au contraire, c'est plutôt un handicap.

Ce que nous avons vu ici assez clairement, c'est un État qui a décidé de contrôler massivement le monde mais aussi sa propre population. L'objectif : la protection des intérêts américains partout dans le monde. Par "intérêts américains" il faut comprendre "intérêts de américains les plus riches", bien sur.

Si vous voulez établir un régime compatible avec le capitalisme, le mieux, c'est une dictature. Mais ne croyez pas que c'est aussi simple ! La bonne vieille dictature à papa, c'est du passé. Par exemple, comble du ridicule : la Corée du Nord.

Si vous voulez qu'un dictature tienne sur le long terme, il faut savoir laisser aboyer les intellectuels. Dans un pays, vous avez la côte aussi longtemps que les intellectuels et les artistes sont libres de parler. Pas besoin de les contraindre à dire ceci ou chanter cela, non : laissez cette perte de temps aux dirigeants du KGB dans les années 70. Ne vous inquiétez pas, ils connaissent leur camp. Les artistes chanteront des chansons à l'eau de roses, les philosophes pondront des bouquins de 1000 pages incompréhensibles, et pendant ce temps, la population déprimée ira, selon ses moyens, en vacances dans un pays du tiers monde, au bistrot du coin parier sur des chevaux, se jeter par la fenêtre du boulot. Dans une indifférence plus ou moins complète.

Certainement, certains désobéiront, certains artistes parleront de liberté, certains intellectuels, dans les milieux libertaires, tiendront des discours révoltés, mais c'est le prix à payer : lutter contre eux, c'est les renforcer. Les aider, au contraire, c'est les décrédibiliser. Démonstration faite avec Charlie Hebdo : comment un canard de libertoïdes épicuriens va motiver le pire système de surveillance jamais vu !

Il y aurait beaucoup à dire sur cet aspect particulier. Par exemple, le "piratage" des films et des albums porte préjudice aux artistes, d'une certaine manière. Que fait l'État ? D'après ce que je pense (mais qu'il est difficile de prouver formellement) je dirais qu'il dit une sorte de double jeu : d'un côté, il met en place une commission bureaucratique coûteuse  (hadopi) pour se donner le genre protecteur des arts. D'un autre, son arsenal de loi ridicules et volontairement surannées laisse les gens copier encore et encore : cherchez et lisez le jugement contre T411, vous allez bien rire.

Je ne suis pas pour la propriété intellectuelle, je la considère comme une simple aberration. Mais je pense qu'en agissant ainsi, l'État tient sous sa dépendance les artistes, qui comprennent bien que ce n'est pas le moment de la ramener ! Quelle ironie pour ces gens qui se vantent de ne pas dépendre d'un mécène, de devoir dépendre de l'État !

Quatrième aspect : vous ne pourrez pas lutter contre la mainmise de l'État... avec les outils de l'État.

Aujourd'hui l'État est indépassable : il est devenu aussi incontestable que la démocratie, alors même qu'il en est quasiment l'antithèse.

Seul moyen de contester la loi ? La voie légale. Autant dire, sortir le portefeuille !

Supplier vos députés (qui, comme je l'ai déjà expliqué, ne sont en rien vos représentants) pour qu'ils prennent partie contre l'État et pour vos intérêts ? Perte de temps. Ils se tamponnent de votre avis et ne vous considéreront que comme des ennuis à court terme. Vous savez la retraite confortable qui leur tends les bras, une fois qu'ils vous auront trahis pendant 5 ans ?

Manifester est une entreprise courageuse mais délicate. Quant à savoir si c'est utile : j'en doute fort.

La seule voie qui me semble viable est la création de réseaux locaux, se rassemblant régulièrement, abordant les problèmes du point de vue de ceux qui les subissent. Jusqu'à ce que ces réseaux soient suffisamment puissants pour donner de la voix, pousser au démantèlement  des structures coercitives.

Cinquième aspect : Si nous voulons qu'un Edward Snowden à la française se lève un jour pour nous aider, tenons nous prêts à l'aider.

Ce qui m'ennuie le plus, dans l'affaire Snowden, c'est que le gars est obligé de vivre en exil en Russie. Protégé par Poutine ! Vous croyez que ça va encourager le suivant ?

Il faudrait, je ne sais comment, trouver moyen de récompenser les lanceurs d'alerte qui nous protègent. Quand je dis que je ne sais pas comment, ce que je veux dire, c'est que je ne vois pas vraiment de moyens "légaux".

Conclusion : le temps presse...


... mais il presse déjà tant à de multiples endroits ! Faim dans le monde, conflits, climat, religions, pandémies, ... par où commencer ? Je continue à me poser la question. Il difficile de continuer à militer au jour le jour, face à tant de problèmes.

jeudi 9 avril 2015

Loi de renseignement, ne comptez pas sur vos députés

D'après le site https://sous-surveillance.fr, il ne nous reste plus que 6 jours pour éviter la surveillance généralisée. Et pour cela il faudrait supplier les députés de voter contre le projet ?

Alors, déjà, les députés sont élus par leur partis. C'est donc à lui qu'il doivent obéir. Votre opinion, il peut faire semblant d'en avoir quelque chose à faire, mais il ira jamais beaucoup plus loin. En général, ils ont une espèce de boite à outils d'où ils sortent un genre de discours sur le modèle :

Introduction : les grands principes républicains bla bla le contrat social bla bla quelques références (parfois totalement inventées, comme le droit d'expression de Voltaire) aux soit-disant "Lumières" bla bla bla rempart contre la barbarie, etc.

Développement en deux parties :
  1.  Thèse démocratique ; le député doit faire ce que ceux qui l'ont élus veulent « Vous savez pouvoir compter sur mon dévouement » bla bla « La démocratie en danger » bla bla.
  2. Antithése républicaine : « Devant la menace qui se lève, il faut faire fi des idéologies angélistes» bla bla « Si vous n'avez rien à vous reprocher, vous n'avez rien à cacher», «Les pouvoirs publics sont là pour vous protéger», bla bla bla «Ayez confiance», etc.
Selon votre réaction (lui sauter à la gorge où lui lécher les pieds, par exemple, il saura adopter la bonne conclusion:

Alternative 1 : «Gentil petit, allez maintenant rentre chez ta mère elle t'a fait un flan, laisse les grandes personnes de la race supérieure gérer tout ça, votez pour nous, etc.»

Alternative 2 : «Le discours "Tous pourris" c'est celui du Front National (au fait, non : les discours du front national, c'est "Tous pourris saut le FN" - oui, il y a une différence !) donc Vade Retro, ennemi des formes républicaines de notre belle démocratie youpi tout est joli !»

Alternative 3 : (cas d'une opposition trop importante) « Vous savez, vos idées sont intéressantes, pourquoi ne pas nous rejoindre pour que nous puissions vous corrompre aussi en discuter ? Nous avons besoin de jeunes dans votre genre !» (Véridique : entendu dans la bouche d'un jeunot qui devait avoir 15 ans de moins que moi - flatteur, non ?)

Voilà, j'espère que je vous ai fait économiser le timbre et/ou la salive et/ou le temps perdu pour essayer de tirer quoique ce soit de "insérer ici le nom de l'un quelconque de ces fichus guignols, inutiles et couteux".

La réponse, contre la surveillance généralisée, est simple : arrêter de la financer. Embryon de programme en trois points :
  1. Grève maximale de la consommation (n'achetez que le nécessaire, d'occasion si possible, donnez ce qui ne vous sert plus, sortez vos économies de la banque si vous le pouvez, éteignez la télé, etc.)
  2. Grève totale de la participation à la mascarade électorale, et/ou participative : syndicats subventionnés, parents d'élèves, associations caritatives en lien avec l'état.
  3. Grève du zèle au travail ou grève totale si vous le pouvez.
À la place, développement des liens locaux,dé-scolarisation des enfants (j'y reviendrai dans un article futur), dénigrement systématique des soit-disant pouvoirs. Répandez la sédition (pour l'instant c'est encore vaguement légal, j'ai l'impression), vantez la solidarité et la coopération contre la concurrence et la compétition.

Et faites-le en vrai, lors de discussions privées. Pas sur internet, sauf exception, comme ce message.