dimanche 10 mai 2015

Rions un peu avec le conseil général de Haute-Garonne

Je suis très loin d'être une bonne reportrice, ce n'est pas mon métier, mais je ne résiste pas au plaisir de vous raconter les démêlées de mon voisin avec le conseil général de son département, la Haute-Garonne...

Sa fille va au lycée, en internat. Le conseil général, dans sa grande mansuétude (et surtout grâce aux contributions des ses habitants) a instauré la gratuité dans les transports pour les étudiants. Bon, pourquoi pas, l'argent n'est pas tellement plus mal placé là qu'ailleurs, ce n'est pas la question. Je note juste que le conseil général en fait des tonnes sur le sujet, comme une preuve de son extraordinaire et incroyable générosité : alors qu'il s'agit surtout de distribuer l'argent des habitants - c'est donc eux qu'ils faudrait remercier, et pas le conseil général... enfin bref.

L'équation est simple : la gamine va au lycée en tant que pensionnaire, on lui donne une carte avec un aller et un retour par semaine, train et métro, et voilà, on en parle plus circulez.

C'est là qu'intervient l'incroyable génie de la bureaucratie. Comment rendre le simple archi compliqué et hyper coûteux (dans le jargon bureaucratique, on appelle ça joindre l'utile à l'agréable).

Il faut savoir que les bureaucrates ont pour fonction de pondre des règlements absurdes. La partie restant humaine de leur cerveau dévoré par la sainte procédure leur envoie des signaux pour leur faire comprendre que ça ne rime à rien. C'est de là que vient le reste : «Puisque notre façon de faire est absurde, beaucoup de gens vont essayer de faire autrement» se disent alors les bureaucrates, «Nous allons donc la rendre encore plus compliquée.» Je sais qu'un humain normal ne raisonne pas comme ça, je le sais : je suis une humaine à peu près normale.

Alors au lieu d'envoyer une carte avec le bon nombre de voyages pour l'année, le conseil général envoie une poignée de billets pour chaque trimestre. De billets de trains, oui. C'est là que les bureaucraties du conseil général et celle de la SNCF se télescopent et se fécondent mutuellement ! Car les billets de train de la SNCF ne sont valables que 2 mois. Pas d’exceptions, c'est le règlement ! Quelle solution géniale va surgir des 12 réunions de conseil général/SNCF ? (au pif, j'imagine que ça du prendre 12 réunions - maximum 15) «Chef, j'ai une idée ! On pourrait demander à la SNCF qu'on finance beaucoup de modifier ses billets ?» Non attendez, ça ne se passe pas comme ça dans la bureaucratie. Le chef mets sa tête dans ses mains, se demande comment Joseph Staline aurait fait à sa place et dit : «Je sais, nous allons tamponner ces billets avec un tampon du conseil général !» «Oh, bonne idée, chef !»

Combien de temps ont passé les employés du conseil général à tamponner individuellement tout ces billets ? Je me le demande. Parlez-moi d'un boulot d'imbécile. Je compatis sincèrement avec gens.

La blague ne serait pas complète sans quelques aménagements sympas. Le conseil général affiche dans tout le département que le transport est gratuit pour les étudiants. Visiblement, les premiers concernés, la SNCF, ne sont pas au courant... et mon voisin me raconte les contrôles que subit sa fille, menacé d'une amende parce que "le billet n'est valable que deux mois, est-ce que vous avez une carte d'identité ?"

Ce n'est pas fini ! Pour le métro, ils ont fourni une carte "Pastel" - genre de pass Navigo, pour les parisiens. Qui pourraient aussi contenir les billets de trains dont nous avons parlé plus haut, quelle ironie !

Mais ce n'est pas une carte qui permet de prendre le métro quand l'étudiant en a besoin, non ! Juste un aller et un retour. C'est tout. Pensionnaire malade qui doit rentrer un jour à la maison ? Paye. Pensionnaire qui rentre parce que son lycée est en grève ? Paye. Une sortie à faire en ville pour acheter des livres ? Paye. Et quand le 15 mai n'est pas chômé ? Il faut deux aller-retours dans la semaine. Et là, le conseil général envoie par la poste, à tous les pensionnaires, deux tickets de métro ! Frais d'envoi et galère de mise sous enveloppe... on croirait que le génie bureaucratique a atteint son plus haut niveau.

Mais non. Dans un récent courrier, du 4 mai 2015, le conseil général, décidément pragmatique, demande aux familles de renvoyer les tickets non utilisés ! En comptant sur «leur sens civique» ! Au frais des familles, bien sur... 

Touche finale : la mention «URGENT" : date limite de retour : le 13 juillet 2015.» Du 4 mai au 13 juillet, c'est 2 mois et dix jours. Et pour un bureaucrate, ça veut dire urgent. Heureusement qu'ils s'occupent pas d'éteindre le feu !

Je n'imagine même pas combien de leçons on pourrait tirer de cette histoire sous l'angle politique. Là, je la vois juste comme une histoire drôle. Une vraie histoire drôle. Mon voisin m'a montré les courriers alors j'ai fini par le croire.

Et l'année scolaire n'est même pas encore finie... j'attends la suite avec impatience !

mardi 5 mai 2015

Deux mots à Patrick Pelloux, vite fait.

Monsieur Pelloux,

J'en ai pas cru mes oreilles. Ce matin, sur France-Info, je vous ai entendu dire : "Le projet de loi sur le renseignement est pas liberticide. On est dans l'urgence, faudra le réviser plus tard."

C'est ma faute, je devrai pas écouter cette radio non plus, surtout dans la voiture, parce que j'ai failli avoir un accident.

Est-ce que vous êtes bien le Patrick Pelloux de Charlie Hebdo ? Ou bien est-ce que c'est un homonyme ? Il faudrait le préciser, si c'est pas le cas !

Je vais vous rappeler deux petites choses que vous devriez savoir :

1 - L'État ne passe des lois que pour restreindre ou encadrer la liberté. Dire qu'un projet de loi sur la surveillance de masse n'est pas liberticide, c'est juste complétement insensé.

2 - L'urgence a toujours justifié les lois liberticides : et elles ne sont jamais révisées. Quand bien même ! Maintenant que les USA ont emprisonné je ne sais combien de gens sans raison à Guantanamo, vous allez leur expliquer qu'on va réviser leur vie et leur rendre ces années de liberté qu'ils ont perdu, annulé les tortures qu'ils ont subi ?

Cette urgence que vous invoquez, c'est la même qu'évoquent les religieux pour se livrer à leurs manœuvres : l'urgence apocalyptique, par exemple, a longtemps incité les témoins de jéhovah à courir les rues. Comme la fin du monde était proche, il fallait prêcher à tout va. Cette urgence, elle s'oppose à la réflexion, elle met fin au vague soupçon de démocratie qu'il peut encore subsister dans le pays. C'est la même urgence invoquée pour mettre en prison les gens, à Tarnac, vous vous souvenez peut-être ? Cette même urgence invoquée pour justifier la torture en Algérie !

Mais j'ai lu Charlie Hebdo, dans le temps, et j'ai retenu un truc : à Charlie, l'internet, c'est de la merde. Et le fliquer, c'est pas grave.

Je me souviens d'un dessin de Charb qui disait que Wikipedia, c'était un truc de petit bourgeois. Parce que les pauvres n'avaient pas de PC ! Comme si, avant d'inventer l'imprimerie, il avait fallu attendre que tout le monde sache lire.

C'est maintenant que je comprends mieux pourquoi j'étais pas Charlie, en janvier. Je le sentais pas, mais j'aurais pas su l'expliquer. Merci de m'avoir ouvert les yeux.

lundi 4 mai 2015

C'est pas parce qu'on veut se cacher qu'on doit être obligé de le faire en permanence !

Je ne vais pas revenir sur l'argument débile des gens qui sont favorables à toujours plus de surveillance : "Moi, j'ai rien à cacher". D'abord, parce que la version complète, c'est "J'ai rien à cacher à la police", ce qui traduit en général un niveau de confiance proche de la naïveté sans remède. Ensuite, parce que ça a déjà été fait à bien des endroits et que le refaire encore serait superflu.

Mais par contre, je voudrais quand même mettre les points sur les i du chiffrement : ok, j'ai des choses que je ne veux pas rendre publiques, mais c'est comme si je me balade en maillot de bain dans le jardin : j'ai pas envie pour autant d'entourer mon jardin de murs de 5 mètres de haut. J'attends aussi des voisins qu'ils ne passent pas leur temps à me regarder. Il y a voir, et il y a regarder.

Je ne suis pas une criminelle traquée pour vivre en cavale, avec mails chiffrés, brouilleurs de GPS, cagoule sur la tête, etc.

Certes, le chiffrement proposé a des intérêts, et même si je m'y résous, je ne l'accepte pas complètement : je veux bien faire des efforts pour ma sécurité (en protégeant mes mots de passe, etc.) mais pas trop pour ma vie privé : j'attends qu'on la respecte comme je respecte celle des autres. Je ne veux pas vivre en guerre, surtout pas la guerre permanente que livrent en général les pouvoirs à leur propre population.

C'est pour cette raison que le combat du chiffrage est très partiel et vain : c'est le démantèlement du pouvoir qui protégera efficacement notre vie privée : il faut le priver de ressources, que ce soit financières ou morales.

Oui, le pouvoir et sa bureaucratie peuvent édicter les règles qui leur plaisent : cependant, ce qui donne la vraie force à ses règles, c'est notre soumission. Plus que de chiffrer, c'est résister qui est important.